« C’est un métier de rencontres, de découvertes et de mise en valeur de l’autre », Guillaume Bigot revient sur le métier de JRI et son expérience avec la FFF
En quoi consiste le métier de Journaliste Reporter d’Images à la FFF ?
Nous sommes plusieurs à nous occuper des contenus : il y a la partie écrite, les réseaux sociaux et la partie vidéo-photo, dont je suis en la charge avec cinq JRI (Journaliste Reporter d’Images). On alimente les plateformes digitales de la Fédération. Le spectre est très large, tout ce qui concerne le football en France, sauf la Ligue 1 et la Ligue 2 gérées par la LFP. On s’occupe des équipes de France des U16 ans (filles et garçons) jusqu’à l’Equipe de France championne du monde. On suit les championnats nationaux, le National, la D1 Arkema (féminine), de la D1 futsal mais aussi de la Coupe de France masculine et féminine et de la Coupe Gambardella-CA grâce à des résumés de match, des lives, des reportages, des top buts…. On réalise aussi des reportages sur les formations d’entraîneurs, d’éducateurs et des arbitres. Notre rédaction compte six personnes et un alternant nous rejoindra au mois de septembre pour un an. Sur la partie écrite, ils gèrent le site internet mais aussi le magazine de la Fédération qui s’appelle « Foot Mag ». Côté réseaux sociaux, ils sont trois. Ils sont plus dans l’animation que dans la production de contenus. Ils récupèrent nos contenus et mettent en place la stratégie de communication sur Twitter, Instagram, TikTok et Facebook. Environ 25 millions de personnes suivent les réseaux sociaux de la FFF entre Youtube, Instagram, Twitter et Facebook. Nous, on capte les images, on fait les montages, puis on fournit une version longue pour la chaine Youtube et une plus courte pour les réseaux sociaux.
Est-ce que votre contenu peut être repris par les médias ?
La Fédération a un accord avec TF1 et M6 qui viennent d’acheter les droits télévisuels de l’Euro 2024. Ils sont diffuseurs officiels de l’Equipe de France et à ce titre-là, nous leur donnons les images inside ; ce sont les images des Bleus dans les vestiaires, lors des déplacements, dans les entraînements à huis clos… C’est ainsi que pendant Téléfoot des images de la Fédération sont diffusées. Pendant les grandes compétitions, TF1 ou M6 font des émissions spéciales et ils ont des reportages qui sont montés en partie grâce aux images de la FFF.
Quel a été votre parcours ?
Je suis arrivé à la Fédération en mars 1998, juste avant la Coupe du Monde, après l’obtention d’une Maitrise d’histoire et avoir «fait mon armée». La Fédération cherchait alors une personne supplémentaire capable d’animer le « Minitel » qui était en quelque sort l’ancêtre de l’Internet. Avant l’Euro 2000, on a lancé le premier site internet de la FFF et l’aventure a commencé à ce moment-là. Au fil des évolutions, j’ai complété avec une formation de photographe et de vidéaste afin qu’à partir de 2005, on puisse être plus complet et proposer du contenu plus visuel. Les envies des supporters ont évolué. C’est vraiment sur cet axe-là qu’on s’est concentré. De 1998 à 2004/2005, le contenu était principalement écrit et puis après cela s’est diversifié avec de la photo et de la vidéo et l’arrivée des réseaux sociaux. Il faut toujours rester en éveil et proposer des formats et des schémas différents. En 2003, j’ai eu la chance aussi d’aller faire la première Coupe du Monde féminine des Bleues aux Etats-Unis. Il y avait à l’époque Corinne Diacre, qui est maintenant sélectionneure de l’équipe de France. Après j’ai suivi les Espoirs de Raymond Domenech puis les A depuis 2004. C’est la mission la plus médiatique mais j’aime aussi vivre les premiers tours de Coupe de France, aller voir les « petits clubs » pour qui le fait de porter le maillot de la Coupe de France et de jouer contre un « gros » reste un grand moment de leur saison. J’aime ces aventures humaines. J’essaie d’en sortir le côté positif. Récemment j’ai fait un reportage avec des jeunes réfugiés qui s’intégraient grâce à la pratique de l’arbitrage. Ce sont de belles histoires.
Quels sont vos meilleurs souvenirs à la FFF ?
Je suis fan de foot alors pour moi, me retrouver dans cet environnement et exercer ce métier, c’est une chance incroyable. J’ai la chance d’accompagner l’Equipe de France et d’être derrière la caméra qui suit le quotidien des Bleus. C’est plus de 230 matches, des Euros, des Coupes du Monde. Il y des moments intenses de joie et d’autres plus durs à vivre, comme la finale de l’Euro 2016 perdue face au Portugal. Au-delà de l’aspect sportif, ce que je retiens c’est la partie humaine, les moments de partage, de complicité avec les membres du staff et les joueurs. C’est enrichissant, passionnant. Quand on part 55 jours sur une Coupe du Monde et qu’on a la chance de la gagner, on se retrouve tous les jours avec ces champions du monde, et avec Didier Deschamps qui a une culture de la gagne incroyable. C’est ce qui m’anime, c’est transmettre à travers mes vidéos cette partie humaine, cette partie collective où l’on tend vers l’objectif qui est de gagner. Cela transcende tout.
Quelle est l’organisation pour une Coupe du Monde à la FFF ?
La Coupe du Monde 2022 se prévoit bien avant la qualification. Par exemple, le Team Manager de l’Equipe de France et des membres du staff se sont rendus plusieurs fois au Qatar pour choisir le camp de base, validé par le Président de la FFF début avril. C’est une organisation qui se fait bien en amont et qui impacte beaucoup de services : organisation logistique, voyages, choix d’hôtel, accueil des médias… Il y a aussi un gros travail du staff technique sur l’organisation quotidienne sur place et l’observation des joueurs pendant les mois précédents la compétition. Beaucoup de détails sont aussi réglés par le staff médical, comme les soins à emporter ou les accessoires de sport tels que les vélos. Il y a aussi tous les équipements à prévoir par les intendants. Sur ma partie, je m’appuie sur ce qu’on a déjà vécu. J’ai deux collègues qui seront avec moi : un qui gérera la photo et un autre qui s’occupera de la partie archivage et le contenu destiné à TF1 et M6.
Combien de personne seront sur place ?
Le staff compte 19 personnes, le staff-bis 5-6. Noël le Graët, le président de la FFF, sera également présent auprès des Bleus.
Parmi tous les stades où vous êtes allé avec l’Equipe de France, dans lequel avez-vous trouvé la meilleure ambiance ?
La plus belle ambiance que j’ai vécue dans un stade de foot était avec l’Equipe de France mais je ne travaillais pas, j’étais en simple spectateur, c’était la finale de l’Euro 2000 à Rotterdam (Pays-Bas). Il y a eu un scénario incroyable : l’Italie pensait remporter l’Euro et on est revenu à un partout. Puis on gagne grâce au But en or de David Trezeguet. On est passé d’un extrême à l’autre ? D’une grosse déception à une joie folle. C’était incroyable de vivre une émotion pareille ! Je pense qu’il n’y a que le sport, le foot en particulier, qui fait vivre de telles émotions. Je me souviens dans les gradins, on était tous debout à crier, on n’avait plus de voix. Le stade vibrait, c’était un moment dingue.
Quelle était l’ambiance à Moscou lors de la finale de la Coupe du Monde ?
Il y avait une grosse ambiance et le score a été « plié » rapidement et tant mieux ! Il y a eu moins de suspens qu’en 2000. Pour moi, c’était quelque chose de différent puisque je devais continuer à filmer malgré la joie et la fête. J’ai pu filmer sur le terrain avant la remise du trophée avec mon I-phone. J’ai pu profiter de ces moments mais je n’ai pas pu partager pleinement avec le groupe. Quand on est rentré à Paris, c’étaient des moments forts mais ma mission était de filmer et de rester concentré, de ne pas me laisser embarquer dans la fête. Même si quand on filme on a forcément le sentiment d’être un privilégié, il faut avoir pleinement conscience de notre mission et savoir rester à sa place.
Pendant un match des Bleus comme celui au Stade Pierre-Mauroy à Lille contre l’Afrique du Sud en novembre, comment préparez-vous ce genre de rencontre ?
J’ai trois moments forts sur un match et paradoxalement ce n’est pas le match. Mon travail se fait avant, à la mi-temps et après. C’est-à-dire qu’il commence à la prise de parole du coach à l’hôtel. Puis je filme l’arrivée au vestiaire, la préparation des joueurs avec le staff médical (soins, massages dynamiques, strapping…). Les joueurs s’entrainent aussi dans une salle d’échauffement. Je capte ces images-là mais aussi celles du coach qui va donner les dernières consignes aux joueurs de façon individuelle ou collective. Puis je filme la mi-temps avec les joueurs qui reviennent au vestiaire et le discours du coach. Enfin l’après-match qui commence sur le terrain. A Lille je ne l’ai pas fait, mais en revanche à Marseille je l’ai fait afin d’avoir les déclarations des joueurs et sentir l’ambiance, la joie et la communion avec les supporters. Après je capte le discours du coach dans le vestiaire et je fais des interviews avec les joueurs. Commence alors une nuit de montage !
Est-ce que vous filmez la partie conférence de presse et zone mixte ?
Notre différence est de faire de l’inside. Ce qui est ouvert aux médias, ce n’est pas ce qui nous intéresse. On travaille vraiment sur quelque chose d’exclusif.
Ensuite comment faites-vous pour le montage ?
Les soirs de match je travaille toute la nuit pour monter un sujet sur les coulisses de la soirée. Si on est à l’étranger, je visionne déjà mes rushs dans l’avion. Le reportage est disponible le lendemain après validation avec l’attaché de presse des Bleus.
Pouvez-vous nous partager des anecdotes sur la vie de groupe de l’Equipe de France ?
Les anecdotes resteront en interne (sourire). Je me souviens de très bons moments à Clairefontaine. En 2016 notamment quand les joueurs jouaient au Molky, à la pétanque ou encore au Perudo. Ils dansaient ensemble après les victoires, comme à la Coupe du Monde 2018 en Russie. Cette bonne ambiance ne fait pas gagner une phase finale mais cela contribue à un état d’esprit de groupe qui est très bon. Tout cela a été entretenu par le coach.
Qui sont les gros joueurs de FIFA ou FM dans le groupe ?
En 2018, Ousmane Dembelé et Antoine Griezmann se chambraient beaucoup là-dessus. C’est vrai que les moments dans leur chambre et dans les voyages sont propices à jouer. Ils sont très joueurs, ils aiment jouer et gagner, que ce soient des jeux de cartes ou des matches de foot, ils ont l’esprit compétiteur. Cela déclenche toujours des moments où ils se chambrent, se titillent. C’est assez drôle.
Quels sont vos conseils pour les jeunes qui veulent faire le métier de Journaliste Reporter d’Images ?
Etre passionné par les rencontres, par l’échange. C’est un métier de rencontres, de découvertes et de mise en valeur de l’autre. Avoir envie de partage et être curieux également. Je pense que dans tout métier, l’important c’est le respect des gens. L’humilité aussi est importante. Sur la partie plus technique, il faut s’intéresser à toutes les nouveautés, à tous les matériels. Tout évolue beaucoup et rapidement, les manières de filmer aussi. Il faut être en éveil pour pouvoir s’adapter. On a un cadre, un angle mais tout n’est pas écrit à l’avance. C’est excitant et inquiétant à la fois. C’est ce qui fait le sel du métier !