Dries De Bondt de l’équipe Décathlon-AG2R La Mondiale partage ses débuts dans le cyclisme professionnel
Dries de Bondt est cycliste professionnel pour l’équipe Decathlon-AG2R La Mondiale. Il a remporté le championnat de Belgique sur route en 2020 et la 18ème étape du Giro 2022.
Bonjour Monsieur De Bondt,
Comment est née votre passion pour le cyclisme ?
C’est un peu compliqué puisque je ne viens pas d’une famille de cyclistes. Quand j’avais 15 ans, j’étais dans un club d’athlétisme et c’est à ce moment-là que j’ai rencontré l’amour pour le vélo. Lors des entrainements d’athlétisme, on parlait beaucoup de cyclisme et surtout pendant les périodes du Tour de France ou du Giro, mais aussi lors des classiques et plus spécifiquement lors des classiques belges. Mes amis avaient organisé des petites courses avec des vélos de ville, on avait un classement et on pouvait gagner des étapes. Seul un vélo de ville était autorisé, on ne pouvait pas avoir de vélo de course. Et là, j’ai commencé vraiment à suivre ce sport à la télé.
Mon père était plutôt un cycliste amateur. Il avait un vélo de course mais seulement pour rouler avec ses amis le dimanche. A 16 ans, j’ai volé ce vélo et j’ai commencé à rouler. J’ai pu découvrir la beauté du cyclisme pour la première fois ! Malheureusement, alors que j’étais en train de faire un tour, j’ai eu un accident avec une voiture. Le vélo a été abimé par le capot de la voiture, heureusement je n’avais rien car j’avais réussi à m’arrêter avant. J’étais décidé de continuer à rouler, j’en ai parlé avec mes parents et ils m’ont acheté un vélo de course. J’ai commencé chez les juniors quand j’avais 17 ans. J’avais senti que l’effort du vélo me plaisait plus que l’effort de la course à pied. La beauté dans ce sport est que ce n’est pas le meilleur qui gagne la course, il y a beaucoup de tactiques pour gagner une course.
Comment avez-vous réussi à devenir professionnel ?
J’ai commencé chez WK Noord-West-Brabant, une équipe flamande mais c’était vraiment un petit club. J’ai couru chez eux en tant que Junior puis pendant deux années en espoir. Ensuite, je suis allé à Van Eyck Sport, où j’ai effectué mes deux dernières années Espoir et j’ai pu gagner mes deux premières courses : ma première à 21 ans. L’année d’après j’ai gagné deux courses. Là-bas, j’ai pu faire mes études et les ai finies lors de ma première année Elite.
A cette période-là, c’était encore un peu compliqué de devenir professionnel puisque dans la plupart des équipes, quand on n’est plus en Espoir, on est déjà un peu trop âgé. Quand j’avais 23 ans, j’ai couru en Elite avec la première équipe continentale Josan-to Win. J’ai gagné neuf courses et deux kermesses professionnelles. J’ai battu Gianni Meersman et j’ai failli gagner au Ronde Van Vlaams-Barbant et à la pro kermesse de Heusden. J’étais bien parti pour débuter chez les pros puisque j’avais des bons contacts chez Wanty, mais à la fin de l’année j’ai eu un gros accident lors du Tour de Vendée. J’ai fait une chute le 5 octobre 2014 et j’ai été dans le coma pendant 2 semaines. J’avais des bons contacts avec Wanty pour signer pour 2015 mais j’avais perdu 12 kilos de muscles. Par conséquent, ils ont arrêté de me parler puisqu’ils ne pensaient pas que j’étais prêt pour être pro.
Puis, j’ai eu la chance de rencontrer Ivan De Schamphelaere, le manager de Verandas Williems à l’époque. J’ai pu faire encore deux années dans une équipe continentale en 2015 et 2016. C’était un gros travail de retrouver ma forme, ma réhabilitation a pris du temps. A la fin de 2015, j’étais à à nouveau à un bon niveau. En 2016, j’ai gagné 14 courses dont la première UCI avec la 2ème étape de la Ronde et de l’Oise. Comme cela, j’ai eu la chance de pouvoir rester dans l’équipe qui est devenue pro-continentale professionnelle. J’ai passé deux années professionnelles dans la même équipe. J’ai eu l’occasion de courir avec Wout van Aert en 2017 et 2018. J’ai roulé mes premières classiques dont la plus grande à mon avis Paris-Roubaix. Après cela, j’ai choisi de joindre une nouvelle équipe puisque le projet se finissait avec le départ de Wout Van Aert à Jumbo.
J’ai choisi de rejoindre Corendo-Cirus qui était l’équipe de Mathieu Van Der Poel. Ensuite, à partir de 2020, j’ai couru pour Alcepin-Fenix. J’ai eu mes plus grands succès là-bas, j’ai été champion sur route de Belgique et j’ai gagné une étape du Giro. Maintenant, je suis en train de commencer un nouveau chapitre avec Decathlon AG2R la Mondiale. On a vraiment eu un beau départ cette saison puisqu’en ce moment nous sommes la 3ème meilleure équipe du monde dans le classement UCI.
Quelles sont les nouveautés au sein de votre nouvelle équipe Decathlon-AG2R la Mondiale ?
La plus grande différence dans notre équipe des classiques est que nous n’avons pas un grand leader comme Mathieu Van der Poel. On a vraiment un bel effectif dans la largeur mais il nous manque un vrai leader, un grand favori dans les courses comme Paris-Roubaix par exemple. Dans l’équipe se trouvent bien sur moi-même, Oliver Naesen, Pierre Gautherat, Damien Touzé et Edval Boasson Hagen qui a un vrai beau palmarès mais qui commence à devenir un peu plus âgé. Ce qui fait qu’il n’y a pas vraiment de grand leader pour lequel l’équipe doit se sacrifier. Cela donne des opportunités à tous les coureurs de choisir un moment et faire un beau résultat. Je suis vraiment plus libre. Ce n’est pas la même chose d’être dans une équipe comme avec Mathieu Van der Poel où toute l’équipe doit travailler pour lui.
Quel a été votre plus grand moment dans votre carrière ?
J’ai bien sûr gagné le championnat de Belgique et ça a beaucoup changé de choses dans ma carrière. Parce que, quand tu es né dans un pays comme la Belgique où le cyclisme est un des sports les plus populaires, c’est vraiment quelque chose de spécial d’être champion dans ton pays. Cela a vraiment changé ma vie. Maintenant, je suis reconnu par tout le monde, j’ai gagné beaucoup de supporters avec ce titre, et il y a beaucoup d’enfants qui me demandent mon autographe et une photo. Je suis convaincu que c’est grâce à ce titre de Belgique. Ce titre était vraiment spécial puisque c’était au moment de la pandémie de Covid. C’était un championnat vraiment bizarre puisqu’il n’a pas été organisé en juin comme d’habitude mais en septembre.
Il s’est déroulé deux jours après le Tour de France, ce qui rendait la participation de grands coureurs belges compliquée. Je suis un coureur qui est en forme plutôt à la fin de l’année ce qui me donnait un avantage. Et aussi, il y avait le championnat du monde la semaine suivante, ce qui a fait que Wout van Aert n’a pas participé. C’est-là que je me suis dit que c’était le bon moment. J’avais déjà gagné sur ce parcours deux fois. Toutes ces petites choses me disaient que j’allais gagner.
Je pense que la victoire dans le Giro c’est un peu plus haut sportivement puisque j’étais dans un peloton mondial avec les meilleurs cyclistes. A mon avis, c’est une meilleure performance que le championnat de Belgique. Mais après ce championnat j’ai pu porter le maillot champion de Belgique durant toute l’année suivante. C’est difficile de choisir entre ces deux moments-là.
Quels types d’entraînement faites-vous en tant que cycliste professionnel ?
Cela varie puisque maintenant le travail est fait pour les classiques. Par exemple, aujourd’hui (27 février), c’était l’entrainement le plus lourd de la semaine, j’ai fait 4 heures avec 2 petits intervalles de VO2max : c’est pour la condition et la forme puisque dès dimanche, je vais participer à Paris-Nice. Je dois retrouver la fraicheur pour commencer Paris-Nice le plus fort possible. Quand tu es encore dans la période de préparation, tu vas faire plus de volume d’entrainement et beaucoup d’entrainement d’endurance. Tu vas faire des blocs de 3 jours avec entre 4 et 6 heures d’entrainement quotidien. Ensuite un jour de repos puis tu recommences avec 3 jours à bloc. Ensuite tu as une bonne semaine à 30 heures, cela diffère beaucoup de la période de la saison.
Est-ce que vous incluez la course à pied dans votre programme d’entrainement ?
Ce ne sont pas des entrainements lourds ou longs, mais oui, je fais environ de 20 à 40 minutes de course à pied, comme récupération. Je crois que la course aide vraiment pour le dos et les os. La course à pied fait adapter le corps et met tout le dos dans la bonne position.
Qu’avez-vous appris en étant dans une équipe avec des champions comme Mathieu Van der Poel ?
J’ai appris beaucoup de choses en roulant avec lui. Une des choses qui m’a le plus marquée est que Mathieu ne fonctionne que quand il s’amuse. C’est un joueur, c’est toujours le blagueur du groupe. Il s’amuse tout le temps, lorsque le plaisir n’est plus là, c’est beaucoup plus difficile pour Mathieu de performer. C’est ce que je retrouve aussi chez moi ; c’est plus difficile de performer lorsque je n’ai pas de plaisir. J’ai roulé aussi avec Wout et Mathieu. Je trouve que la plus grande différence entre les deux champions est que Mathieu est beaucoup plus un joueur alors que Wout est beaucoup plus concentré sur ses buts.
Comment évaluez-vous votre performance lors de l’Omloop Nieuwsblad ?
Je pense que, comme équipe, on a fait un très bon résultat puisque nous avons été troisième. Il y a la performance de Jumbo et l’équipe UAE Team Emirates avec la deuxième place et douzième place pour le classement individuel. Ce sont les deux équipes qui sont aussi devant nous au classement UCI. C’est une belle performance, un bon sentiment pour commencer la saison. On a réussi à avoir la 4ème place, la 11ème place, la 19ème place. On se trouve dans la troisième équipe en tant que groupe. Cela veut dire que nous sommes prêts à rivaliser avec les autres équipes pour le reste des classiques. Cela donne de la confiance pour les courses qui suivent.
Quels sont vos objectifs pour cette saison ?
Nous sommes en pleine période de classiques, donc je vais faire Paris-Nice la semaine prochaine. Ensuite de nombreux autres classiques se suivent, avec Milan-San Remo, E3 Harelbeke, Gand-Wevelgem à travers la Flandre, le Tour de Flandres et Paris-Roubaix. Je termine ma saison classique avec la Flèche Provence. J’ai une petite coupure de deux semaines et demie. Ensuite je fais encore trois courses, GP Frankfurt, Tro Bro Leon et les 4 jours de Dunkerque. Puis je vais me préparer pour le Tour de France.
Bonne saison et merci Monsieur de Bondt !