Claude Puel revient sur le métier d’entraineur et sur son dernier livre
Claude Puel, footballeur français, a joué comme milieu de terrain à l’AS Monaco de 1979 à 1996 (600 matchs). Il remporte le titre de champion de France avec le club monégasque en 1982 et en 1988 ainsi que le titre de Coupe de France en 1991. Il arrive également à atteindre la demi-finale de Ligue des Champions en 1994. Claude Puel est surtout connu pour sa carrière d’entraîneur. Il a dirigé plusieurs clubs de football en France, notamment l’AS Monaco, le LOSC Lille, l’Olympique Lyonnais, l’OGC Nice et plusieurs clubs en Angleterre comme Leicester City et Southampton. Il est réputé pour sa capacité à développer de jeunes talents et à mettre en place des systèmes tactiques solides. Il est apprécié pour sa philosophie de jeu axée sur la défense et le contrôle du milieu de terrain.
Bonjour Monsieur Puel,
Que pensez-vous de la réforme de l’UEFA avec le passage de 32 clubs à 36 clubs en Ligue des Champions?
Je suis assez partagé dans la mesure où au départ c’était Michel Platini qui avait voulu ouvrir la Ligue des Champions à des « petits clubs » pour développer le football dans toute l’Europe. C’est quelque chose qui semblait pertinent à l’époque. Après je trouve que c’est devenu trop puisque cela donne énormément de matchs à jouer aux équipes. La Ligue des Champions va donc prendre beaucoup plus de place au détriment des championnats nationaux. L’UEFA comme la FIFA essaye de faire la même chose avec la Coupe du Monde et la Coupe du Monde des clubs. Je dirais que beaucoup d’instances veulent une part du gâteau puisqu’il y a des enjeux financiers derrière cela. Je trouve que les championnats nationaux doivent garder leur place à cause de l’attachement les supporters et c’est ce qui fait vraiment vivre le foot. On a besoin de tous ces clubs, de tous les petits clubs également dans les divisions inférieures afin que les supporters se reconnaissent.
Que pensez-vous de la toute nouvelle compétition européenne l’UEFA Conférence League ?
Je ne pense pas que ce soit vraiment une Coupe d’Europe, c’est pour occuper l’espace. Pour moi, la vraie Coupe d’Europe, c’est la Ligue des Champions. Je trouve que cela fait appel à trop d’équipes dans trop de championnats. Je ne pense pas que cette soi-disant Coupe d’Europe a son mot à dire dans le football actuel.
Quelles différences percevez-vous entre le football d’aujourd’hui et le football de votre époque en tant que joueur ?
Le football évolue, les footballeurs évoluent. J’aime bien le niveau actuel de la Ligue des Champions puisque cela permet de rassembler les meilleurs joueurs du monde sur une compétition. Je ne veux pas passer pour un nostalgique du football d’avant mais je pense qu’auparavant au niveau des championnats nationaux et particulièrement en France, il y avait plus de technique, plus de qualité de jeu. Je trouve que maintenant le physique a pris le pas sur la technique et je le déplore. Avant, il y avait des équipes magnifiques comme l’AS Saint-Etienne, Nantes, Monaco, Marseille, Paris où on mettait beaucoup plus en avant la qualité technique. Maintenant, il y a trop d’équipes en première division ainsi que dans les divisions inférieures qui font appel au physique et à la vitesse, au détriment de la technique et de la qualité.
A votre avis, quelle en est la cause de ceci ?
C’est vrai que l’évolution du football a fait que le physique est devenu important mais pour moi il faut privilégier la technique. Bien sûr, il faut des qualités physiques, d’endurance, de vitesse, de puissance. Mais je ne veux pas que ce soit fait au détriment de la technique, celle-ci doit passer en premier lieu avec ensuite un support physique.
Entrainez-vous comme vous jouiez ?
J’étais un joueur travailleur, qui récupérait des ballons et alimentait des joueurs plus techniques que moi. Je participais à l’équilibre de l’équipe. J’ai eu la chance d’évoluer avec des très grands joueurs pendant 15 ou 20 ans. C’est ce qui m’a alimenté et marqué. C’est vrai qu’en tant qu’entraineur j’aime bien retrouver ces joueurs techniques, talentueux qui sont capables de surprendre, d’inventer des gestes, de faire des différences. J’apprécie aussi que les joueurs aient une discipline et une rigueur tactique. C’est pour cela que je cherche souvent à recruter des joueurs qui possèdent une certaine technique et un talent.
Qu’est-ce qui fait un bon joueur aujourd’hui ?
Pour moi, c’est un quelqu’un qui est capable de faire des différences, de voir le jeu. Mais également celui qui a une intelligence de jeu pour bien jouer avec ses partenaires. Enfin, c’est quelqu’un qui doit savoir le bon moment pour tenter, dribbler, jouer simple. C’est le joueur qui a tout compris.
Dans votre livre, vous parlez de Wesley Fofana, comment ce joueur s’applique à la définition du bon joueur ?
Par exemple quand j’étais à Nice, j’ai eu Hatem Ben Harfa que j’ai considéré comme le joueur le plus important de l’équipe. Vu qu’il avait de superbes qualités, je ne voulais absolument pas le brider. Au lieu de le faire évoluer sur un côté, j’ai compris très vite qu’il fallait le replacer dans l’axe ce qui m’a permis de composer une équipe autour de lui avec des joueurs techniques ainsi qu’avec d’autres joueurs qui travaillaient pour lui et qui alimentaient les ballons. J’ai construit mon schéma tactique pour le servir. A Saint-Etienne, comme on ne pouvait pas recruter par faute de moyens, je voulais absolument le garder pour construire mon équipe. Justement, contrairement à Ben Harfa, Wesley Fofana est un défenseur central qui savait rattraper tous les coups. Il alimentait les ballons, les remontait, possédait une grosse capacité d’anticipation. Fofana donnait énormément de confiance et de sérénité à l’équipe. Malheureusement, on a dû s’en séparer au bout de quatre matchs mais je tiens à rappeler qu’au bout de quatre matchs, on avait 3 victoires et 1 nul en étant premier au classement ! Juste après son départ, l’équipe a donc perdu en sérénité, en solidité défensive ce qui nous a fait encaisser beaucoup de buts.
Depuis quelques années, Fofana est en difficulté, à quoi cela est dû à votre avis ?
Il a été énorme à Leicester, sur ce, il a été pris à Chelsea. Fofana a été excellent également avec Chelsea où son équipe avait des bons résultats. Malheureusement, il a arrêté à cause d’une rupture de ligament croisé ce qui a fait qu’il a mis un peu de temps pour revenir. En son absence, Chelsea a perdu pied. Il est ensuite revenu à un bon niveau, tellement qu’il a été pris en équipe de France. Puis de nouveau, il s’est blessé gravement. C’est donc les blessures qui l’ont handicapé.
Qu’est-ce qui fait un bon coach à votre avis ?
Déjà, il y a toutes sortes d’entraineurs. Il y en a qui privilégient une certaine tactique, un certain dispositif. Tous les dispositifs sont valables, toutes les tactiques sont valables. Il y a des entraineurs qui jouent plutôt en attaque rapide, en transition, d’autres comme Guardiola préfèrent avoir plus de maitrise. On peut tout concevoir. Pour moi, le bon entraineur c’est celui qui arrive à faire jouer ses joueurs, qui réussit à créer un collectif, une alchimie entre les joueurs, savoir fonder une discipline mais qui laisse aussi les joueurs exprimer leurs qualités. C’est celui qui arrive à avoir un bon management, à gérer l’environnement de l’équipe, les supporters et les médias. Il doit savoir gérer tout un groupe, les relations avec ses dirigeants mais aussi son staff. Un entraineur c’est celui qui a une multi-facette et c’est celui qui va arriver à gérer toutes les composantes de ce métier.
A votre époque de joueur, les médias n’avaient pas la même place dans le foot, comment vivez-vous leur omniprésence aujourd’hui ?
Quand on parle des médias, il y a aussi l’avènement des réseaux sociaux qui sont devenus très importants. Certains entraineurs y vont et la majorité des joueurs y sont. C’est très compliqué puisque chacun a le droit de donner son avis sur l’équipe, la composition, la tactique… Les réseaux sociaux comme les médias sont à la fois une chose positive et une chose négative. C’est très complexe, très compliqué, cela peut faire du bien comme du mal. Il faut réussir à avoir des bons rapports avec les médias sans trop en rajouter. Il faut arriver à gérer tout cela.
Que pensez-vous de la façon dont le LOSC joue aujourd’hui ?
Le LOSC pratique un jeu intéressant. Son entraineur essaye de les faire jouer au ballon, de bien les faire évoluer. Je pense que les joueurs n’ont pas été récompensés la saison dernière par rapport à la bonne production qu’ils pouvaient produire. Puis cette année, il faudra voir ce que l’équipe est capable de faire parce que le championnat pour le moment n’est pas vraiment lancé : tout le monde peut battre tout le monde. Il va y avoir des équipes mal classées qui vont remonter. On ne sait pas trop ce que va devenir ce championnat cette saison.
Quelle est la différence entre coacher en Angleterre et en France ?
En Angleterre, j’avais déjà des joueurs plus matures, plus professionnels qui donnaient tout à l’entrainement et avaient beaucoup de respect pour l’entraineur et le staff. Que ce soit l’académie ou en équipe première, il y avait énormément d’attention, de respect et d’intensité à l’entrainement. On n’avait pas besoin de les motiver ou les encourager. Justement, c’est beaucoup plus difficile en France puisqu’il y a beaucoup de jeunes de centres de formation qui manquent encore d’éducation. Il faut palier à tout cela et former ces joueurs en France en les rendant plus réguliers, plus forts et avec une mentalité plus adéquate.
Quel est le joueur le plus fort qui vous a marqué ?
J’ai trop de joueurs extraordinaires en tête avec qui j’ai joué. J’ai eu aussi le privilège d’entrainer de très grands joueurs. Des joueurs avec qui j’ai joué, nous pouvons retrouver Rui Barrios, George Weah, Thierry Henry, Thuram, Emmanuel Petit, Djorkaeff ou encore Battiston. En tant qu’entraineur, par exemple j’ai entrainé Trezeguet, Thierry Henry, Guily, Marquez, Sagnol, Mahrez, Vardy ou encore Van Dijk. Je ne sais plus tous les joueurs que j’ai pu avoir, j’ai eu aussi Saliba, Ben Harfa. C’est une très longue liste.
Et le plus talentueux ?
Ce sont les joueurs que je viens de citer, ils ont tous énormément de talent.
Quelles sont vos activités depuis votre dernier poste d’entraineur ?
Je regarde un peu le foot et d’autres sports. Je m’occupe de ma famille ce que je n’ai pas eu le loisir de faire auparavant. Je suis très occupé, je fais du sport. Eventuellement, pourquoi pas reprendre une sélection ou un club pour retourner dans le football. On verra si c’est possible ou pas et si je le désire. J’ai de quoi m’occuper.
Pouvez-vous revenir sur votre carrière d’auteur ?
Oui j’ai fait 8 ou 9 salons du livre, c’était agréable. Là, il date un petit peu mon livre. Sinon je réponds aussi aux interviews comme à la vôtre et à d’autres. Je réponds aussi à des demandes de la part des radios, des télés. Je joue également des matchs pour le Variété Club avec des anciens pros et des anciens collègues.
Merci Monsieur Puel !