« La passion pour le travail, c’est la seule recette pour pouvoir en faire son métier », Daniel Bravo revient sur sa carrière de footballeur et le métier de consultant

Quelles ont été vos sensations quand vous avez remporté la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe lors de la saison 1995-1996 avec le PSG ?

J’étais bien évidemment très heureux parce qu’on avait fait beaucoup de bonnes choses en coupe d’Europe les années auparavant mais on n’avait pas eu la chance d’aller au bout. Par exemple l’année d’avant, nous sommes allés en demi-finale de Ligue des Champions où nous avons perdu contre l’AC Milan. On avait cette frustration de chaque fois échouer en demi-finale. Avec Bernard Lama, on s’était dit qu’il ne fallait pas rater l’occasion de gagner cette finale puisque nous étions tous les deux en fin de carrière. Nous étions vraiment heureux d’avoir fait quelque chose qui n’est vraiment pas facile. D’ailleurs, je trouve qu’à cette époque-là qu’on s’est vraiment rapproché de la victoire finale en Ligue des Champions. Il y a pas mal d’équipes qui peuvent s’inspirer de ce qu’on a fait puisque, pendant des années, nous avons été dans les figures hautes des équipes françaises.

Daniel BRAVO - Histoire du #PSG
Daniel Bravo quand il jouait au PSG

Quelles différences percevez-vous entre le PSG 2022 et le PSG de votre époque ?

Ce sont déjà deux époques très différentes avec des moyens très différents. Je trouve que ce qu’on a fait à l’époque, c’est très bien avec les conditions d’entrainements que nous avions. J’ai connu l’arrivée de Canal + où il y a eu beaucoup de progrès qui ont été fait avec la structure du club, des soins, etc… Quand je suis arrivé, j’étais justement surpris de l’amateurisme du PSG dans son fonctionnement. Canal+ a heureusement remédié à cela. Le PSG est devenu un « grand club » et les résultats ont suivi avec des recrutements comme Ricardo et Weah. Les moyens restaient quand même limités quand on compare avec ceux du PSG aujourd’hui où le club est un des plus grands d’Europe. Il va y avoir d’ailleurs un nouveau centre d’entrainement pour le PSG qui va être un des plus beaux du monde. Si on regarde les moyens pour acheter les joueurs, c’est démesuré. A l’époque par exemple, on s’est fait prendre George Weah qui était notre meilleur joueur. Aujourd’hui ils sont en mesure de garder leurs meilleurs joueurs. Cela peut bien sûr être un choix du joueur de partir mais financièrement, ils sont capables de le garder. C’est ce qui différencie le plus les deux générations.

Vous avez vécu dans le vif du sujet l’arrêt Bosman ?

Exactement, j’ai pu voir l’évolution des joueurs communautaires dans les équipes. Grâce justement à l’arrêt Bosman, j’ai pu m’expatrier en Italie à Parme. C’est à ce moment-là, qu’on a vu le départ de beaucoup de français comme Zidane, Djorkaef, Dugarry et Thuram. Avant cette année-là, c’est vrai qu’il y avait moins de possibilités d’avoir des joueurs communautaires. De toute façon le PSG avait quand même des moyens limités en termes de recrutement. Je pense qu’on ne pouvait pas faire n’importe quoi non plus avec le recrutement. Aujourd’hui, les dirigeants du PSG se sont donné les moyens financiers pour acheter les joueurs qu’ils veulent. Si un joueur est disposé à venir et qu’il sent qu’il y a une possibilité, il n’a plus qu’à signer le contrat. C’est quelque chose de nouveau et tant mieux, je suis très content pour Paris. Maintenant, j’aimerais que cela se concrétise en termes de victoire en Ligue des Champions. Il faut qu’il y ait une cohésion et un esprit d’équipe. Ce qui faisait notre force, c’était cette solidarité, cette envie de réussir en coupe d’Europe. La différence entre le PSG d’avant et le PSG d’aujourd’hui, c’est à ce niveau-là. C’était une autre époque où il y avait plus un sens de collectif contrairement à aujourd’hui où on sent que, pour les joueurs, cela ne vient pas naturellement. Il faut les pousser à jouer collectif alors que nous que c’était quelque chose qu’on faisait naturellement.

Quel est l’entraineur qui vous a le plus aidé et le plus marqué dans votre carrière ?

L’entraineur le plus important pour moi et qui n’est pas connu, c’est mon père, puisque c’est lui qui m’a tout donné. Il était entraineur chez nous dans l’équipe première de JS Cugnaux. Il nous a entrainé quand nous étions cadets nationaux. Être en National était bien pour une petite ville comme la nôtre. C’est lui qui m’a formé pour partir au centre de formation de Nice. Ensuite, avec tous les entraineurs que j’ai eus, je citerais Ancelotti par ce que c’était sa première année à Parme en Serie A. Il était monté avec la Reggiana de la Serie B à la Serie A. Il a quitté la Reggiana pour Parme. C’est un entraineur où on sentait déjà sa patte avec aussi déjà une grande pédagogie avec les idées claires.

Quel est le moment le plus fort et le plus difficile de votre carrière ?

Je dirais mon but contre l’Italie en 1982 avec l’équipe de France. C’était un match amical et on n’avait pas battu l’Italie depuis 30 ans. C’était ma première sélection et j’avais tout juste 19 ans.  J’étais rentré en cours de jeu. On menait 1 à 0, Platini avait marqué le premier but et j’ai marqué le second. Cela a été de quelque chose d’assez magique de marquer lors de ma première sélection. C’est le souvenir le plus marquant de ma carrière. Après le moment le plus dur, je dirais que cela a été ma période à Paris où j’ai été hué par le public. Une période qui a été difficile à surmonter mais finalement je l’ai surmontée. Même si cela a été une grande blessure pour moi. Mais Luis Fernandez m’a repositionné en tant que milieu défensif. Au moment où on me sifflait, j’étais plutôt attaquant/ milieu offensif. Quand il m’a repositionné, j’ai réussi à mettre tout le monde dans la poche. Finalement quand je suis parti à Parme, j’ai été ovationné. Cela a été une belle revanche. Mais cela reste une grande blessure pour moi et en même temps une grande revanche d’avoir pu retourner tout le monde en ma faveur.

Le but de Bravo à 1:54

Vous avez joué à Parme en Italie, quelle est la différence entre le football italien et le football français ?

La différence, c’est surtout au niveau de l’entrainement. La préparation d’avant saison ce n’était pas qu’une réputation d’être un stage très dur et très physique. C’était vraiment réel. On a beaucoup travaillé physiquement. On s’est bien préparé. Après en France, on se préparait bien mais c’était moins poussé. Ensuite je dirais que c’était plus professionnel en Italie dans le sens où tous les joueurs étaient très pros. Les joueurs ne se plaignaient pas quand il fallait faire un exercice difficile. Ils se pliaient sans broncher alors qu’en France, bien sûr on est toujours râleur. A cette époque là, c’était peut-être la meilleure période du football italien puisqu’il y avait encore Ronaldo et Batistuta. Il y avait vraiment de grands joueurs. C’était vraiment une grande période du football italien. Le championnat était très relevé et je le trouvais dans l’ensemble plus dur que le nôtre, surtout physiquement. Après cela a peut-être évolué aujourd’hui, ça s’est certainement rééquilibré. Mais a l’époque, il y avait une différence.

Quel est le joueur le plus fort que vous avez affronté ?

J’en ai affronté beaucoup de très bons comme Zidane qui était vraiment impressionnant. Je me rappelle aussi Marcel Desailly à Milan qui était également très impressionnant. Physiquement, c’était un monstre. Mais bon, j’en ai vu plein d’autres puisque j’ai joué contre le Marseille de Waddle, Papin, c’était aussi très impressionnant.

Quel est le coéquipier le plus fort avec lequel vous avez joué ?

Je dirais George Weah.  Ballon d’or en 1995, il est parti de Paris pour rejoindre Milan. Il était un joueur super complet, un attaquant très véloce et très fort techniquement. Il a su être très fort de la tête et c’était très difficile de lui trouver un défaut. En plus, c’était une bonne personne qui avait tout. Après évidemment, j’ai joué avec Rai, Djorkaeff, Crespo, Chiesa, Cannavaro, Thuram à Parme. J’ai joué avec beaucoup de joueurs très impressionnants.

Vous avez joué en tant qu’attaquant et milieu défensif, quelles sont les particularités de ces deux postes ?

C’est tout à fait différent quand on est attaquant, on joue pour finaliser les actions et faire la différence pour l’animation offensive : être passeur, être buteur. Ensuite quand je suis passé milieu défensif, c’était un double rôle entre un rôle défensif pour essayer de couper les attaques adverses et d’essayer de récupérer le ballon dans l’entrejeu puis de le ressortir le plus proprement. Ensuite, mettre les attaquants ou les milieux offensifs dans des meilleurs conditions pour bien attaquer. Dans ce rôle, si on est intelligent, on peut marquer des buts, ce n’est pas interdit. Si on est malin, on peut s’approcher des trente derniers mètres et marquer d’une frappe de loin. Ce qui a été mon cas, j’ai marqué un but en Ligue des Champions en phase de poule contre le Bayern à Oliver Kahn et c’est un super souvenir. Au final, ce n’est pas un rôle restrictif. On peut mener les attaques mais de façon intelligente, plutôt les suivre. Quand il y a un renvoi, on peut marquer.

Quelles sont les qualités nécessaires pour être un milieu défensif ?

Avant il y avait des milieux défensifs qui devaient empêcher le meilleur joueur adverse de s’exprimer. C’étaient souvent des joueurs très physiques qui étaient mauvais techniquement et qui ne savaient pas jouer avec le ballon. A peu près à l’époque où je suis devenu milieu défensif, des milieux plus techniques sont apparus comme Pep Guardiola. Ces joueurs récupéraient le ballon mais plutôt par malice, vivacité que plutôt par puissance physique. Ils étaient surtout importants dans la création du jeu pour faire repartir les actions proprement. Mais aussi pour distribuer le jeu comme le font par exemple Jorginho et Brozovic. Des joueurs qui ne sont pas des monstres physiques mais qui sont très bons avec le ballon puisque cela permet de repartir comme il faut.

Cela fait plus de 20 ans que vous êtes consultant, comment ce métier a évolué ainsi que les attentes du public ?

Le métier a évolué dans le sens où j’ai senti une grosse évolution tactique. Il y a 20 ans, je trouve qu’on en parlait beaucoup moins. On décortiquait beaucoup moins les matchs. Aujourd’hui, c’est plus le cas et tant mieux, c’est beaucoup plus intéressant. En tant que consultants, il nous faut être au point et le plus pointu possible. Ce qui a changé la donne également, c’est les réseaux sociaux. On n’a plus le droit à l’erreur, et c’est un peu dommage. Avant, je faisais ce métier de manière très professionnelle mais de façon plus décontractée. Aujourd’hui, je fais très attention dans la mesure où il ne faut pas dire de bêtises et je suis très concentré par rapport à cela. C’est ce qui a changé le plus, c’est le média en lui-même. Il ne faut pas juste être ancien joueur pour faire ce métier. Il faut savoir mettre des mots sur nos idées et cela n’est pas toujours évident. Par ailleurs, je n’ai pas de compte Twitter et je ne comprends pas trop les jeunes qui commentent en répondant à certaines questions sur Twitter. C’est peut-être ce qui se fera demain ou ce qui fait déjà aujourd’hui mais moi j’estime que l’on effectue notre travail et on ne doit pas être influencé par ce qui se dit à l’extérieur. Si la personne utilise Twitter pour revenir sur des sujets qui ont été abordés ou des erreurs commises pendant le commentaire, je suis d’accord. Je trouve que si on a sa personnalité, on n’a pas besoin d’être orienté dans notre commentaire et assumer, quitte à se tromper. On peut toujours s’excuser et revenir dessus parce qu’on s’est trompé.

Est-ce que l’arrivée de la VAR a changé votre métier ?

Cela nous l’a peut-être un peu facilité mais on s’est un peu habitué avec les arrêts de jeu. Parfois, on ne comprend pas pourquoi l’arbitre ne va pas voir l’écran. Il y a plein de situations où on n’est pas d’accord. Je ne sais plus trop quoi penser de la VAR. Pour les hors-jeux, c’est bien mais pour le reste il y a beaucoup à redire puisque cela reste une interprétation de l’arbitre, cela reste comme avant.

D’après vous est ce que l’OGC Nice a des chances d’aller en Ligue des Champions cette année ?

Bien sûr même si j’ai l’impression qu’il leur manque un petit quelque chose. J’aimerais bien qu’ils gagnent déjà la Coupe de France mais j’ai l’impression que c’est un club en phase de construction. Je pense que Galtier c’est l’entraineur pour gravir les échelons et, avec les moyens d’Ineos, c’est super. Mais je me demande si ce n’est pas un peu juste encore. J’ai l’impression que l’OM est un peu plus mûr. Pour moi le sprint final, cela se joue dans la maturité et Nice en manque un peu. L’expérience du sprint final est très importante. Mais, si Marseille continue son parcours européen, cela peut les handicaper cette saison pour aller au bout du championnat. Cela peut aider les autres équipes comme Rennes et Nice.

D’après vous qui va remporter la Série A cette année ?

Si tu m’avais dit, il y a un mois, je t’aurais dit l’Inter et aujourd’hui je suis très déçu par cette équipe. Je pensais que c’était la meilleure équipe, la plus solide mais ils ont vraiment marqué le pas. Cela dit, ils sont encore en mesure de le faire. Je ne sais pas, si je devais choisir une équipe de cœur, je dirais Naples parce qu’il a très longtemps qu’ils n’ont pas été champions. En fait, cela va se jouer entre Naples, l’Inter et Milan et quelque soit l’équipe je serais content. Celui qui sera champion le méritera. Je n’ai pas de préférence, une des trois équipes cela me va bien.

Quelle est le meilleur match que vous avez commenté ?

Il y en a plein mais je dirais le plus important, c’était France- Croatie, la finale de la Coupe du Monde, c’était prestigieux, c’était beau et en plus on a gagné de belle manière. Donc cela reste un souvenir magnifique.

Quelle est la préparation avant de commenter un match ?

J’aime bien avoir des post-it où je mets les joueurs dessus où je peux les bouger en fonction du système et si on a des surprises d’avant-match, je peux bouger les joueurs. J’ai tout sous les yeux, le classement, les joueurs blessés, les derniers matchs qui se sont passés. J’ai les compositions des quatre derniers matchs de chaque équipe pour savoir comment ils ont joué, qui était absent. Cela me donne une idée pour surtout ne pas dire de bêtise. Après, c’est plus comme une roue de secours en confort. Pour faire mon commentaire, je le regarde très peu puisque mon rôle est plus de décrypter le jeu qu’autre chose. Tout ce que j’ai sous les yeux à part le nom du joueur, cela ne me sert pas beaucoup.

Depuis 2021, vous organisez des stages de foot à côté de Font Romeu, qu’est-ce qui vous a motivé à lancer ces stages de foot ?

Pour être honnête, je n’y avais jamais pensé et si tu m’avais dit ça il y a deux ans, j’aurais dit que cela ne m’intéresse pas. J’ai rencontré quelqu’un qui faisait des stages et qui voulait les dynamiser. Cette personne s’appelle Pierre Micheau et ça a matché. Il est président du district de L’Aube où il fait des stages pour les jeunes. J’ai rencontré quelqu’un de passionné et il y avait déjà une équipe d’éducateurs. Il m’avait expliqué son projet et j’ai trouvé cela super. J’ai adoré la première saison, l’année dernière on a fait quinze jours avec 25 enfants sur chaque semaine. C’était super donc on a l’intention de grandir avec un potentiel de 50 enfants chaque semaine sur quatre semaines sans aller au-delà de ça avec des jeunes de 8 ans à 15 ans. Ils sont logés du lundi au samedi, c’est l’accent sur le jeu, s’amuser, respecter les règles. On veut aussi que ce soit très éducatif : on fait des cours sur l’eau, sur le tri sélectif, la planète. On veut que ce soit quelque chose de global, à la fois de s’amuser et qu’on sorte en ayant appris des choses.

STAGES DANIEL BRAVO
https://stagesdanielbravo.fr/

Quelles sont vos conseils pour les jeunes footballeurs qui veulent devenir footballeurs professionnels ?

Mon conseil c’est toujours le même, c’est d’avoir une réelle passion et puis de travailler. La passion pour le travail, c’est la seule recette pour pouvoir en faire son métier. Après c’est difficile, il faut avoir un certain talent à la base et s’entrainer. Il faut aussi de la chance puisqu’il y a beaucoup de joueurs qui veulent le faire et il y a peu d’élus.