« Toute la semaine, il y a un suivi », Hervé Mathoux revient sur son parcours et sur son quotidien
Quel a été votre parcours pour devenir journaliste sportif ?
Parcours classique avec des études de Lettres Moderne et ensuite j’ai fait l’IPJ, l’institut pratique du Journalisme à Paris dont je suis sorti avec l’idée de couvrir du sport mais sans le clamer de manière obsessionnelle. J’ai commencé en tant que généraliste dans le réseau Radio France. Ensuite j’ai rejoint une chaine locale en région parisienne puis j’ai atterri au service des sports de TF1.
Comment êtes-vous arrivé à Canal + ?
J’ai été recruté par Canal en 1998 en plein milieu de la Coupe du Monde, sollicité par Michel Denisot. Je sortais de 8 ans de sport à TF1, dans le foot essentiellement. J’ai été recruté pour faire la principale émission de foot à l’époque. « Canal Football Club » n’existait pas encore, c’était une émission qui s’appelait « Jour de foot ». Une émission du samedi soir à chaud qui commençait 5 minutes avant les matchs et qui durait une heure et quart avec des envoyés spéciaux sur tous les matchs de la soirée. J’ai fait cela pendant quatre ans et ensuite j’ai fait l ’ « Equipe du dimanche » qui était l’émission culte du football étranger. Je l’ai fait de 2002 à 2008, et c’est à ce moment-là qu’a été créé « Canal Football Club ». J’ai fait absolument toutes les émissions sauf cette année où j’ai été remplacé pour la première fois puisque la saison était assez longue avec la Ligue des Champions. Mais sinon pendant les treize premières années, j’ai fait toutes les émissions du « Canal Football Club ». L’équipe a beaucoup bougé mais j’ai été le seul à ne pas bouger.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser au foot quand vous étiez jeune ?
C’est inexplicable, le virus du foot peut se transmettre familialement ou apparaître dans une famille où personne ne s’y intéresse, grâce à une rencontre ou par le hasard d’une retransmission. Mon enfance était dans une période où il y avait beaucoup moins de foot à la télé qu’aujourd’hui. Mais en 1976 quand j’avais 10 ans, il y a eu l’épopée des Verts, la première épopée télévisuelle d’une équipe française. Il y a eu ce qu’on a appelé une vague verte en France. J’ai été emporté dans cette vague verte comme on peut être emporté par une vague lorsqu’on a dix ans ; on est submergé. C’est là que ma passion du foot est née. Je pratiquais le foot depuis l’âge de sept ans mais à partir de dix ans, je me suis intéressé aux résultats, à la Coupe d’Europe, à la Coupe du Monde. Tous les journalistes spécialisés dans le sport sont des passionnés, d’une passion qui remonte à leur enfance.
Quelles étaient vos idoles dans votre jeunesse ?
Je n’ai pas d’idoles au sens où je suis fan absolu. Mais j’ai parlé des verts de Saint-Etienne et fatalement à l’époque les joueurs comme Rocheteau et le gardien Curkovic fascinaient les jeunes. J’étais gardien donc j’étais forcément très intéressé par les gardiens. Puis Michel Platini a été le grand joueur de la fin des années 70 et des années 80. Donc oui fatalement beaucoup d’admiration pour ces personnes mais je n’ai pas eu d’attitude de fan. Le hasard de la vie et de mon métier fait que j’ai travaillé avec tous ceux que j’ai cités.
Est-ce qu’il y a eu des joueurs d’autres époques pour qui vous avez une certaine admiration ?
Oui, après Platini il y a eu Zidane, je sais que je ne suis pas très original. Il y a eu Papin aussi qui est un joueur que j’aimais beaucoup. Il était très spontané et très spectaculaire. Il a accompagné mes débuts professionnels. Quand j’ai commencé à travailler, c’était les années Papin. Après on a un regard différent quand on travaille avec ces personnes-là, on ne voit pas les choses de la même manière. Quand on travaille, on n’est pas là pour être en admiration mais plutôt échanger, travailler. Le rapport change. Par exemple, je reçois des lettres de candidat qui se présentent avant tout comme des supporters. Cela me surprend toujours puisque est-ce qu’un jeune enverrait à un journal une lettre en montrant son parti politique ? Dans le foot c’est pareil, on comprend par son histoire qu’un journaliste peut avoir un attachement à un club mais un journaliste ne peut pas être un supporter. Il faut pouvoir analyser une situation à froid alors que les supporters défendent en général systématiquement leur club.
C’est l’objectivité qui est en question ?
Oui après on se demande si l’objectivité cela existe vraiment mais il faut de l’honnêteté. Encore une fois, il y a des journalistes qui continuent de s’afficher comme supporters à l’antenne. Le problème c’est que cela les décrédibilise. On a des besoins éditoriaux, par exemple un supporter préfère toujours que son équipe gagne 3 à 0 au bout d’un quart d’heure. Quelqu’un qui fait une émission préfère qu’il y ait un vrai match. Par exemple, si une équipe mène 2 à 0 on préfère toujours que l’autre équipe revienne. On est supporter de la compétition en fait.
Comment préparez-vous votre émission le « Canal football club » ?
C’est difficile à dire de manière précise, il y a des choses très cadrées, c’est-à-dire qu’il y a des réunions fixes. Par exemple le lundi matin, on fait le bilan de l’émission de la vieille et on se projette sur l’émission suivante avec l’équipe du CFC et de la rédaction pour avoir une vision globale du programme foot de la semaine. Ensuite le vendredi, on fait le point : les bonnes idées qui sont rester de bonnes idées, les idées qui ont perdu de leur valeur puisqu’il y a eu de l’actualité… Le samedi soir, je fais un point téléphonique avec mon équipe éditoriale. Le dimanche à 13 heures je refais un point avec la partie technique. Le dimanche, toute la journée est consacrée à la préparation, à voir les sujets en montage, les valider… Toute la semaine, il y a un suivi puisque l’actualité ne s’arrête jamais. Parfois quand il y a la Ligue des Champions le mardi et mercredi, je fais une émission spéciale Ligue des Champions et ensuite on se fait un point le jeudi pour voir comment on traite les matchs dans la semaine. On est 3 ou 4 à décider. On n’arrête pas de s’appeler, on est en message continu pour aller à la télévision.
Est-ce que vous arrivez à avoir des jours de repos dans la semaine ?
Oui, mais la frontière n’est pas très étanche entre la vie personnelle et professionnelle. On n’est pas dans un métier où on ne peut avoir des jours de repos fixes. A la fois il y a une grande liberté puisqu’on fait son emploi du temps comme on l’entend. Mais il y a un envahissement de l’espace privé. Certains le verront comme un grand avantage parce que regarder un match fait partie de ton travail. Quand je regarde un match, on peut se demander si je travaille ou je m’amuse, et c’est les deux !
Quelle est l’équipe qui vous a le plus marquée cette saison ?
Le Real Madrid m’a impressionné pour sa capacité à survivre alors que tout le monde les croyait finit. Mais on ne peut pas dire que cette année le Real ait dominé son sujet, même s’ils ont fait des choses extraordinaires. On ne sort pas d’une période extraordinaire comme cela a pu être le cas avec le Barça ou l’AC Milan en 2010. C’est grâce à d’autres atouts qu’ils ont gagné, par exemple au niveau mental c’est incroyable. Savoir ce que va faire l’équipe l’année prochaine est compliqué vu que l’effectif bouge beaucoup. En France, j’ai trouvé qu’il y a eu des équipes qui ont fourni des choses intéressantes comme le RC Lens. Même s’ils ne sont pas européens à la fin de l’année mais ils ont fait preuve de fraicheur sur la Ligue 1. Nice a été globalement assez décevant. Strasbourg en revanche a fait une bonne saison.
Quel est votre club de cœur ?
Oui j’ai un club de cœur, même si c’est en contradiction avec ce que je t’ai dit. Je ne l’affiche pas à l’antenne et je demande aux gens de ne jamais faire de remarques là-dessus. Je suis totalement neutre pour le coup cependant j’ai de l’émotion. Cette équipe est Clermont Foot. Sur les quelques matchs de Clermont je suis dans un état que je n’ai pas dans les autres matchs. En revanche sur une action d’arbitrage ou ce que ce soit, je suis complétement détaché. Je n’ai pas de problème pour être objectif. Je peux être amené à travailler sur les matchs de Clermont mais je défie quiconque de se rendre compte que c’est le club de ma ville.
Quels sont les favoris pour la Coupe du Monde 2022 ?
La France fait évidemment partie des favoris. Mais en général ce n’est jamais le favori qui gagne donc ce n’est pas une bonne nouvelle. Après si on regarde les nations qui ont remporté les Coupes du Mondes, c’est toujours les mêmes : le Brésil, l’Angleterre et l’Espagne qui revient fort même si c’est un peu jeune mais bon je trouve que malgré tout la France a une bonne tête de favori.
Vous êtes commentateur officiel du jeu FIFA depuis de nombreuses années, comment cela s’est passé quand vous avez enregistré les commentaires ?
Cela se fait chaque année. Je vais dans un studio où il n’y a aucune image, on ne voit rien. Il y a des textes en anglais qu’il faut adapter. Il y a des données en fait, par exemple « c’est la mi-temps du match, l’équipe est favorite, a dominé la première mi-temps et elle est menée » ou encore « c’est la mi-temps d’un match, l’équipe est favorite, elle a dominé et elle mène ». Ce n’est pas toujours une partie de plaisir.
Avez-vous des conseils pour les jeunes qui veulent devenir journaliste sportif ?
Déjà de ne pas se focaliser que sur le journalisme sportif, le journalisme est le journalisme. Le sport est une matière d’informations. Si on veut être un bon journaliste, il ne faut pas qu’être un journaliste d’un sport. Aujourd’hui il faut être ouvert à beaucoup plus de domaines. Mais surtout ne pas confondre le supportérisme et le journalisme. Par contre, il faut utiliser cette passion, se faire de l’expérience, ne pas avoir peur du terrain. Il faut ne pas être ébloui par les choses qui brillent. C’est aussi aller sur un petit match ou un petit reportage avec la pression de ramener quelque chose à la fin.