Darren Tulett revient sur son parcours : « J’aime bien commenter les clubs anglais puisque cela me permet de renouer un peu avec mon pays »

Darren Tulett est un journaliste sportif britannique qui est surtout connu pour son travail de présentateur et de commentateur pour la chaîne de télévision française Canal+ et BeIN SPORTS. Il a fait ses débuts dans le journalisme à la radio Festival Brighton en Angleterre. En 2001-2002, il commence à faire des apparitions pour Europe 1 dans l’émission Europe Sport. Il faisait partie de “l’équipe du Dimanche” et a créé “The match of Ze Day” sur Canal+. Il a coprésenté “Fabulous Sport” et “Samedi Sport”. En 2012, il rejoint BeIN SPORTS et a présenté “Russia Night Show” lors de la Coupe du Monde 2018 puis “Club Qatar” pendant la Coupe du Monde 2022. Aujourd’hui, il présente l’émission « Champions Show » et «l’Europe Arena». Il commente également les matchs de la Carabao Cup et la FA Cup sur BeIN SPORTS.

Bonjour Monsieur Tulett,

Comment organisez-vous votre semaine chez beIN SPORTS ?

Toutes les semaines ne se ressemblent pas, chacune est différente, cela dépend de ce que je vais faire. Par exemple, la semaine prochaine, je sais que je vais présenter deux émissions de Ligue des Champions et je vais aller à Londres le week-end prochain pour présenter à Wembley la finale de la Carabao Cup entre Manchester United et Newcastle. En revanche,la semaine suivante va être totalement différente. C’est compliqué de répondre comment j’organise ma semaine puisque cela dépend de ce que j’ai dans mon assiette. Je peux te dire que je vais être branché demain et lundi pour la préparation de l’émission de Ligue des Champions mardi et mercredi. Par exemple, j’ai déjà commencé à écrire l’émission d’avant-match de la finale de la Coupe de la Ligue Anglaise. Tout ça se prépare avant de voyager à Londres.

Darren Tulett avec des consultants comme Robert Pirès, Marcel Desailly, Jean-Pierre Papin,Luis Fernandez ou encore Omar da Fonseca

Comment êtes-vous arrivé en France ?

J’ai pris un bateau.

Comment s’est faite votre adaptation en France ?

Je suis venu en France il y a 30 ans. Ce n’était pas pour le travail mais plutôt pour l’aventure. En fait quand j’étais étudiant à Manchester, j’avais un ami qui voulait venir à Paris après avoir fait des études dans l’histoire de l’Art. Puis il voulait chercher un travail. Il parlait déjà un peu français et voulait le perfectionner. Lui, il avait un plan alors qu’en revanche moi je suis juste venu pour le « fun ». Je l’ai suivi et on est venu comme ça à Paris. Dans un premier temps on est devenu profs d’anglais dans des écoles privées pour adultes pour une formation professionnelle. Je ne parlais pas français donc c’était assez compliqué pendant très longtemps et j’ai pris beaucoup de temps pour apprendre la langue. C’était quand même chouette de vivre à l’étranger, dans un autre pays. Le côté positif est que je n’étais pas loin de la maison, il fallait juste que je traverse la Manche pour que je retourne chez moi. A l’époque il n’y avait pas l’EuroStar donc je devais prendre un bateau ou un avion. On était jeunes, on avait envie de voyager un peu et d’être à l’étranger.

Comment s’est faite votre arrivée à Canal + ?

Avant, j’étais dans la presse écrite et je travaillais pour une agence de presse américaine d’abord à Londres puis à Paris. Je me suis fait transférer à ma demande. Quelquefois je faisais des apparitions à la radio sur Europe 1 qui faisait beaucoup d’émissions de sport. On m’avait demandé de commenter le football anglais puisque j’avais un peu un accent anglais. 

 A l’époque, Europe 1 aimait bien mettre mon accent à la radio puisque cela me rendait beaucoup plus légitime pour eux. Quelques semaines plus tard, Canal+ cherchait à reformater l’équipe du dimanche et avait envie de trouver des journalistes étrangers pour parler de chaque championnat, c’est-à-dire un italien, un espagnol, un allemand et un anglais. Donc mon ami à Europe 1 m’a recommandé à Hervé Mathoux qui était le présentateur de l’émission. J’ai déjeuné avec Hervé un mardi puis le dimanche j’étais à l’antenne pour la première fois sur Canal+, c’était pour l’occasion d’une pige. La télévision était vraiment une découverte pour moi. En plus, c’était la première fois où je travaillais dans une langue qui n’était pas la mienne. C’était un vrai challenge. A un moment donné, j’ai dû faire un choix puisque Canal+ voulait que je reste mais mon employeur principal ne voulait pas que j’ai cette activité à côté. J’ai annoncé à Canal+ que je partais mais ils m’ont proposé un contrat pour que je sois à plein-temps avec eux. J’ai dû réfléchir, ce n’était pas évident mais j’ai choisi l’aventure avec Canal+ et finalement je crois que j’ai bien fait.

Quelle est la différence entre travailler à Canal+ et à beIN SPORTS ?

Canal+ n’est pas une chaîne qui présente que du sport. J’ai passé plusieurs années à Canal+ et il y a énormément de choses autres que du sport comme des films ou des séries. C’est un grand groupe et j’ai pris beaucoup de plaisir à faire autre chose que du sport. Après beIN SPORTS est arrivé et m’a contacté pour les aider à lancer une nouvelle chaîne. C’était une très belle idée d’être au début de l’aventure. Là aussi j’ai bien fait.

Comment s’est organisée l’arrivée de la Coupe de France sur les antennes de beIN SPORTS ?

Je ne suis pas directement concerné mais on a toujours le « Big match » où à chaque fois on envoie toute l’équipe sur place pour couvrir l’événement avec Florian Genton, Luis Fernandez ou même Marcel Desailly comme la dernière fois. Avoir la Coupe de France pour beIN, c’est chouette.

Est-ce qu’il y a une différence pour vous entre commenter un match anglais ou un match européen ?

Oui, il y a un petit peu de différences puisqu’au début j’étais celui qui faisait du foot anglais. Beaucoup de personnes me connaissent à travers ça. Mais cela fait plusieurs années que je travaille sur le football européen en général. Justement, je commente les matchs anglais puisque je me sens beaucoup plus légitime. C’est autre chose puisque évidemment je sais mieux prononcer les noms des joueurs ou des stades sans l’accent français. J’aime bien commenter les clubs anglais puisque cela me permet de renouer un peu avec mon pays et aussi de montrer ma connaissance du foot anglais.

Le duo de commentateurs Darren Tulett avec Antony Knockaert lors du match Brighton-Liverpool en 4ème tour de FA

Quelle est la différence entre la préparation d’un commentateur et celle d’un présentateur ?

Le présentateur que je suis n’a pas besoin de tout savoir sur chaque joueur. Par exemple, quand je lance un match comme pour Monza-Milan, j’ai besoin de connaître les états de forme des équipes, les derniers résultats… Évidemment, j’ai besoin d’avoir un minimum d’informations pour donner l’impression que je sais de quoi je parle. 

En revanche, un commentateur doit avoir des informations beaucoup plus pointues. Quand tu es commentateur tu dois savoir plein de choses pour donner un peu de vie et de couleur au match. Je suis là pour montrer les moments forts du match et de les analyser avec les consultants sur le plateau. Je dois avoir une connaissance globale alors que Philippe qui commente les matchs, il commente juste la Série A avec un petit peu de Coupe d’Europe. Alors que moi, par exemple, je vais continuer avec les autres championnats. D’ailleurs tout à l’heure, je vais parler aussi du championnat allemand. Donc, il faut que je sache des choses un peu partout sans être dans le détail de chaque joueur. L’approche est un peu différente. 

Quels sont les conseils que vous donneriez à un jeune qui souhaite être journaliste sportif ?

Déjà c’est un métier génial puisque quand tu le fais, c’est avant tout par passion pour le sport. Il n’y a rien de plus beau que de travailler avec sa passion. Après dans notre métier, le seul côté négatif, c’est qu’on travaille quand les personnes ne travaillent pas, c’est-à-dire le soir et les week-ends. Cela devient plus problématique quand on a des enfants. Par exemple, dans notre métier, il y a plus de divorces que dans d’autres. Après pour être journaliste sportif, il ne faut pas s’intéresser qu’au sport. Il faut avoir aussi une bonne connaissance générale et être cultivé. Il faut savoir faire des références culturelles, parfois politiques, géographiques et de littérature. C’est important d’avoir des connaissances un peu partout pour commenter un match. Après, probablement que la plupart des journalistes ont fait une école de journalisme. En revanche, je n’ai jamais fait d’école de journalisme. C’est aussi très bien de faire une licence dans autre chose, dans une langue par exemple. Les langues sont très importantes pour être journaliste.

Darren Tulett avant le match Angleterre-France en quarts de finale de la Coupe du Monde 2022

Quel est votre pronostic pour la finale de la Carabao Cup ?

Manchester United a un sacré palmarès par rapport à Newcastle et a quand même plus l’habitude de gérer ces moments-là avec Casemiro, Rashford et De Gea. 

Alors que pour Newcastle c’est moins le cas pour l’équipe mais aussi pour le club. Un exemple serait que Newcastle n’a jamais gagné la Coupe de la Ligue alors que c’est la 63ème édition ! Leur dernière finale remonte à 1976, qu’ils ont perdu contre Manchester City. Ils n’ont rien gagné depuis 1955 alors que c’est un club avec énormément de supporters. On verra à Wembley que ce sont des fans formidables qui vont mettre énormément d’ambiance. Donc, ils en profitent dans les rares moments où ils peuvent aller à Wembley. Alors que quand on est supporter de Manchester City ou de Chelsea, c’est différent, ils ont la chance d’y aller au moins toutes les 2 ou 3 saisons. 

Cette saison, Newcastle fait un début de Premier League assez incroyable. Cela est surprenant car on savait qu’il avait beaucoup d’argent mais ils n’ont pas non plus follement dépensé et pourtant ils font une saison dingue. C’est la meilleure défense de Premier League avec Botman, Trippier et Burn, qui est un très bon défenseur mais de là à imaginer que Newcastle allait se battre pour la Ligue des Champions, c’est vraiment une surprise. Alors se retrouver en finale, c’est peut-être la meilleure des façons pour gagner un trophée. Cela va être un match où il va falloir tout donner contre Manchester United mais c’est possible. Le problème de Newcastle est qu’ils ne marquent pas énormément de buts. Cela va être quelque chose à faire au prochain mercato. En tous cas, ils ont une carte à jouer. Je pense que Manchester United gagnera puisqu’il y a énormément de qualités. Mais je pense que ce ne serait pas une énorme surprise si j’avais tort. Newcastle est dans une très bonne période avec un très bon entraîneur anglais. Je pense qu’avec Marcus Rashford, Manchester United a peut-être celui qui détient la clé du match.

Est-ce que les championnats italiens, allemands et espagnols ont quelque chose à envier à la Premier League ?

Ils peuvent être envieux de l’argent que la Premier League génère, par exemple quand on parle de droits télévisuels, le championnat anglais est largement devant. Il y a bel et bien un déséquilibre en Europe par rapport aux championnats respectifs. La Premier League est d’ailleurs basée sur une histoire formidable. C’est le championnat le plus ancien. S’il y a énormément d’étrangers qui s’intéressent à ce championnat, je pense que cela peut en être une des raisons. On a l’impression que Manchester est là depuis 150 ans et que Liverpool est là depuis toujours. Les personnes en Asie et aux Etats-Unis trouvent des raisons d’aimer ce football anglais.  Les stades sont très souvent pleins en Premier League. Même si, quand on regarde le foot allemand, les stades sont aussi souvent pleins avec une très bonne organisation. On l’a vu cet après-midi avec le Borussia Monchengladbach et le Bayern Munich. En revanche, le football espagnol n’a pas toujours les stades pleins ni le football italien. Après il y a toujours des affiches pour lesquelles les stades sont pleins. 

Peut-être aussi qu’il y a trop de différences de niveau dans les autres championnats. En Angleterre, même si c’est souvent les mêmes qui gagnent à la fin, on a l’impression que cela tourne un peu plus. Par exemple en Espagne, le FC Barcelone et le Real Madrid sont toujours premier ou deuxième, avec l’Atlético de temps en autres. Le Bayern a été champion 10 fois de suite, la Juventus 9 fois de suite. Cela n’est pas bon pour un championnat, il y a un manque de suspense, peut-être un manque de frisson. On a l’impression qu’en Premier League, il y a 6 ou 7 équipes qui peuvent prétendre au titre. Par exemple pour la saison prochaine, il y a déjà Manchester City, Liverpool, Chelsea, Manchester United, Arsenal, Tottenham et Newcastle. 

Merci beaucoup Darren Tulett pour cette interview !

Darren Tulett avant le match Angleterre-Iran lors de la Coupe du Monde 2022